Qu’est-ce que la violence conjugale ?
La violence conjugale est un phénomène mondial qui touche toutes les couches sociales quel que soit le niveau d’éducation. En France, elle concerne 1 couple sur 10. L’Organisation des Nations Unies (ONU) définit cette violence « comme tous les actes de violence dirigés contre le sexe féminin et causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles ou psychologiques, y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée ». L’ONU considère la violence conjugale comme une violation des droits humains et des libertés fondamentales des femmes. La violence conjugale recouvre différentes formes. Ces manifestations ne sont pas la conséquence d’une relation en difficulté. Elles sont un comportement intolérable puni par la loi.
La violence verbale et psychologique
Elle consiste à dénigrer, humilier l’autre. Elle se caractérise par des attaques verbales, des scènes de jalousie, des insultes, des menaces, de l’intimidation (coup de poing dans les murs, destruction d’objets, maltraitance d’animaux…). Le contrôle des activités, le harcèlement et les tentatives pour isoler la personne de ses proches et de ses amis sont également des manifestations de cette violence.
La violence physique
Il s’agit des atteintes physiques au corps de l’autre : gifles, coups de poing et de pied, sévices, strangulation, séquestration. L’auteur peut avoir recours à différents objets ou armes lors de l’agression : cigarettes, ceinture, couteau, fusil, outil…
La violence sexuelle
La victime subit des relations non souhaitées parfois accompagnées de brutalités physiques, d’insultes, de pratiques sexuelles humiliantes.
La violence économique
L’argent du ménage et la vie professionnelle sont contrôlés par l’auteur des violences. La victime est peu à peu privée de moyens et de biens essentiels.
Des chiffres qui disent l’ampleur du phénomène
– 93 000 (chiffre 2016 stop-violences-femmes.gouv.fr) femmes sont victimes de viol chaque année.
– 20 % des homicides commis en France seraient dus à des violences conjugales.– 1 femme meurt tous les 3 jours sous les coups de son compagnon (moyenne/an).
Comment s’installe la violence ?
Un mécanisme progressif
La violence s’installe progressivement dans le couple. Elle passe tout d’abord inaperçue, car les premières manifestations ne sont pas brutales et peuvent être confondues avec des preuves d’amour (jalousie, repli sur le couple, etc). De la part du conjoint violent, la violence commence souvent par des agressions psychologiques, de l’isolement et du contrôle visant à réduire l’estime de soi de la victime. Les agressions verbales, physiques et sexuelles apparaissent ensuite. La fréquence et la gravité des agressions augmentent avec le temps et peuvent mener jusqu’à l’homicide ou au suicide.
Non-dits, changements, addictions
La violence est souvent un moyen d’exprimer ce qui ne peut être dit. L’absence de mots pour formuler son ressenti favorise le passage à l’acte.
Les violences deviennent souvent plus évidentes lorsque le couple vit des changements ou des turbulences : grossesse, changements économiques et sociaux, séparation, décès d’un proche… La consommation excessive de produits (alcool, médicaments, stupéfiants…) est souvent un facteur aggravant. La désinhibition provoquée par ces substances facilite les manifestations d’actes violents.
Un processus en 5 étapes parfaitement connues
Les études et l’expérience de terrain de Tremplin 17 montrent que la violence conjugale se déroule selon un cycle avec des étapes précises, et ce, quel que soit le couple au sein duquel elle s’exerce.
1 – Un climat de tensions
Avec ses paroles et ses attitudes, le conjoint installe un climat de tension à la maison par une dévalorisation de la victime puis par des violences verbales (railleries, cris, injures). L’auteur ressent une insatisfaction qui provoque des tensions.
2 – L’explosion de la violence
N’ayant pas obtenu ce qu’il souhaitait, l’agresseur éclate et commet des actes de violence physique, avec une progression dans l’intensité. La victime se sent terrorisée, trahie. Envahie par la peur, elle se soumet et fait l’apprentissage de l’impuissance.
3 – La période de rémission
Après la crise, l’auteur essaie de se déresponsabiliser des actes commis. Il minimise les faits. Il justifie son comportement en accusant son conjoint de dramatiser et le culpabilise en le rendant responsable de la violence. L’auteur qui a souvent peur de perdre l’autre, regrette ses actes et demande pardon. La victime s’attribue la cause de ce qui s’est passé. Elle pense qu’en adaptant son comportement la violence disparaîtra.
4- La lune de miel
L’auteur redevient calme, prévenant et promet de ne pas recommencer. Il encourage sa victime à rester et à effacer de sa pensée les scènes de violence vécues. Les deux veulent croire que cela ne se reproduira pas.
5- La spirale de la violence
Les crises de violence sont de plus en plus rapprochées. Leur intensité s’accroît. Plus le cycle se répète, plus l’emprise de l’auteur de violence sur la victime est forte. Lorsque la domination est bien installée, le couple peut même ne plus passer par la phase de rémission. Certains conjoints violents ne font pas usage de violences physiques, mais installent un climat de peur, de terreur, qui aura finalement les mêmes répercussions sur le plan psychologique et moral. La victime vit alors dans l’insécurité. Son estime de soi est totalement dégradée.
Quelles sont les conséquences de la violence conjugale ?
La violence conjugale a des répercussions considérables sur les victimes, les enfants, les proches et les auteurs eux-mêmes.
Sur les victimes
La confrontation à la violence a de graves conséquences dans le temps sur la santé physique et mentale des personnes qui la subissent : grande fatigue nerveuse et physique, sentiment permanent de peur et d’insécurité, isolement, honte, culpabilité, manque de confiance, dévalorisation de la personnalité, perte de son identité et de son autonomie. Les violences physiques et psychologiques exercées durant la grossesse peuvent avoir des séquelles graves pour l’enfant à naître : accouchement prématuré, bébé de petit poids, mortalité périnatale.
Sur les enfants
Témoins ou victimes, les enfants exposés aux violences conjugales sont des enfants maltraités. Ils subissent un traumatisme qui aura des répercussions désastreuses sur leur vie : troubles émotionnels et psychosomatiques, comportementaux, ou troubles du développement. Même s’ils n’assistent pas aux scènes de violence, ces enfants supportent les intenses tensions familiales.
Sur les proches
Délicate et complexe situation que celle des proches. Ils ne comprennent pas les hésitations à partir quand la violence est connue, ils ont un sentiment d’impuissance, vivent dans l’anxiété tiraillés entre le désir de protéger et de respecter la vie privée.
Sur l’auteur
Le passage à l’acte violent entraîne un sentiment de culpabilité, un acte qu’il cherche à mettre au crédit de causes extérieures à sa personne : alcool, comportement de l’autre… Une dépendance au comportement violent se développe, devenant le seul moyen d’apaiser les tensions.
Les conséquences judiciaires
Elles dépendent du degré de gravité des violences et des circonstances de leur déroulement.
• Une peine de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende est encourue si les violences commises sur le conjoint ou le concubin ont entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à 8 jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail. La peine est portée à 5 ans ou 7 ans si les violences sont accompagnées d’une ou plusieurs autres circonstances aggravantes.
• Une peine de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende est encourue si les violences commises par le conjoint ou le concubin ont entraîné une incapacité totale de travail supérieure à 8 jours. La peine est portée à 7 ans ou 10 ans si les violences sont accompagnées d’une ou plusieurs autres circonstances aggravantes.
• Une peine de 15 ans de réclusion criminelle si les violences commises par le conjoint ou le concubin ont entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, voire 20 ans de réclusion lorsque les violences ont entraîné la mort sans intention de la donner ou en cas d’actes de tortures et de barbarie.
• La réclusion criminelle à perpétuité punit le meurtre par conjoint ou concubin.
Comment s’en sortir ?
Du côté des victimes
Vous êtes victime de violence conjugale ou vous sentez un climat de violence s’instaurer dans votre foyer, voici quelques clés de réflexion et des conseils pour agir en vous préservant vous et vos enfants.
Sortir du silence
Il vous faut trouver une personne de confiance à qui parler de votre situation.
Ce premier pas permet de :
• sortir de l’isolement mis en place par le conjoint violent,
• diminuer la tension émotionnelle et la panique,
• faire le point sur la situation et prendre des décisions hors les contextes d’urgence absolue,
• connaître ses droits,
• savoir se protéger en cas de crise.
Les équipes de professionnels de Tremplin 17 sont à votre écoute de façon anonyme et gratuite. Parler et réfléchir avec des personnes de confiance donne des perspectives nouvelles.
Se protéger en restant au domicile conjugal ou préparer son départ
Conseils pratiques :
- noter ou mémoriser les numéros de téléphone d’urgence (police : 17, SAMU : 15, Violence conjugale info service : 3919),
- identifier les personnes susceptibles de vous aider en cas d’urgence,
- convenir d’un code de communication avec des voisins qui peuvent alerter la police,
- sensibiliser les enfants sur les conduites à tenir (se réfugier chez les voisins, sortir de la maison pour appeler la police),
- repérer les indices qui précèdent l’explosion de la violence,
- disposer d’une pièce avec verrou et serrure pour assurer sa sécurité,
- rendre les armes difficiles d’accès.
Comment préparer un départ ?
Prévoir un sac de départ d’urgence avec :
- les papiers importants ou leurs copies : carte d’identité, livret de famille, carte de sécurité sociale, carnet de santé, justificatifs de ressources, cartes bancaires…
- des vêtements de rechange et les jouets préférés des enfants.
- Cacher le projet de départ aux enfants ou à la famille (si cela présente un risque).
- Changer de numéro de téléphone et modifier ses codes confidentiels.
- Ouvrir un nouveau compte bancaire.
- Informer les administrations.
Partir
- Quand l’auteur des violences est absent.
- Laisser un mot d’explication.
- Ne pas donner l’adresse du lieu d’hébergement à l’auteur des violences.
- Ne donner ses coordonnées qu’à des personnes de confiance.
- S’entourer de personnes de confiance. La violence conjugale s’exerce le plus souvent dans le huis clos familial ; s’entourer, c’est se protéger.
Se dégager de l’emprise d’un conjoint violent est un long processus. Les victimes de violence au sein du couple sont souvent accusées d’hésitation et d’indécision. Les départs et les retours au domicile ne sont pas des échecs mais des étapes souvent nécessaires.
Du côté des auteurs
Sortir du silence
Il vous faut trouver une personne de confiance à qui parler de votre comportement.
Cela permet de :
- ne plus être seul avec sa rage et sa douleur,
- diminuer les tensions accumulées,
- connaître la loi,
- faire le point sur sa situation et de prendre des décisions,
- se protéger de sa propre violence et protéger sa famille.
Reconnaître sa responsabilité
Le recours à la violence est inacceptable. Le reconnaître est un pas incontournable pour se donner les moyens d’en sortir.
Apprendre à connaître sa colère et désamorcer la violence
La colère n’est pas mauvaise en soi. Apprendre à l’identifier permet de trouver des mots capables d’exprimer son sentiment sans accuser l’autre et sans passer à l’acte. L’intervention d’une personne extérieure à la relation peut aider à désamorcer la violence. Il faut aussi se connaître et comprendre les mécanismes et les signes qui précèdent la violence. Cela permet de s’extraire du lieu du conflit, d’avoir recours à un proche pour apaiser la situation. Les équipes de professionnels de Tremplin 17 sont à votre écoute de façon anonyme et gratuite. Leurs expériences et compétences vous guideront pour entreprendre une réflexion profonde sur votre situation.
Je suis témoin de violences conjugales
Vous êtes témoin direct ou vous suspectez des violences conjugales, il est souvent délicat de décider d’agir. Si vous n’avez pas pour mission de traiter la violence conjugale, ne croyez pas que vous êtes impuissant.
Quels sont les signes d’alerte ?
Ce que l’on voit, ce que l’on entend, les signes sont différents mais lorsqu’ils se cumulent, ils peuvent témoigner d’une situation de violences.
Des clés d’observation :
- manifestation de la peur : sursauts aux bruits, embarras, sur le qui-vive, toujours nerveuse en présence de son partenaire (partenaire qui montre une attention excessive, répond à sa place, cherche à garder le contrôle),
- mise en place d’une organisation pour masquer les problèmes : tente de cacher ses ecchymoses, présente des blessures anciennes, répétées ou qui ne correspondent pas à l’explication donnée, exprime des regrets et trouve des excuses pour le comportement violent de son partenaire «il a pété les plombs»,
- manque de confiance et d’estime de soi, tristesse : renfermée, déprimée, minimise : «je ne sais pas si c’est important, ce n’est pas si grave», se sent coupable, honteuse, se déprécie : «c’est de ma faute», se sent impuissante et résignée «personne ne peut rien faire»,
- présence de troubles émotionnels et de problèmes psychosomatiques : stress, apathie, angoisse, confusion, hyperexcitabilité, migraines, maux de ventre ou de dos, problèmes gynécologiques, troubles du sommeil ou de l’alimentation, fatigue chronique,
- expression de plaintes vagues «j’ai des problèmes à la maison»,
- victime d’une dépendance (financière, affective, alcool, médicaments…),
- isolement social progressif ou instauré.
Comment en parler à la personne concernée ?
Une personne victime de violence conjugale vit une situation difficile et douloureuse. Elle a peur, honte et se sent seule. Elle pourra sortir du silence si elle se sent crue et écoutée sans jugement.
Ecouter ses propres émotions
Personne ne reste insensible à la violence. Chacun(e) y réagit selon sa sensibilité et son vécu. Etre témoin de violence déclenche un mélange d’émotions, parfois contradictoires. Colère, révolte, incompréhension, impuissance, culpabilité, désarroi… Il ne faut pas nier ou blâmer ses sentiments, mais les écouter et veiller à ce qu’ils ne nous mènent pas à douter, minimiser, juger, dramatiser la situation, ou encore à vouloir tout changer à la place de la personne que vous souhaitez aider.
Ne pas fermer les yeux
La violence conjugale est aussi entretenue par le silence et le refus de voir l’évidence. Vous n’osez en parler, vous avez peur de vous tromper. Rappelez-vous que votre soutien peut être déterminant. Les professionnels de Tremplin 17, forts de leur expérience, peuvent vous conseiller. Il peut suffire d’un mot, d’un geste au bon moment pour amorcer un changement dans une situation de violence. Souvent, il vaut mieux intervenir pour rien, que d’avoir attendu et qu’il soit trop tard.
Offrir un message clair de soutien
Il faut prendre la violence au sérieux, sans la minimiser, la justifier ou la banaliser. Refuser de prendre position par rapport à cette violence revient à la cautionner indirectement.
Conseils pratiques de soutien :
- créer un climat de confiance, en l’absence du partenaire,
- écouter la personne d’une manière ouverte et respectueuse, sans la juger : pas de brusqueries, se contenter des informations qu’elle veut bien donner,
- dire à la personne qu’elle n’est plus seule face à cette situation,
- ne pas critiquer son conjoint ou les choix qu’elle a pu faire,
- respecter son rythme et ses choix,
- rester disponible et à l’écoute.
S’assurer de la sécurité de la victime et de celle de ses enfants
Les personnes victimes de violence conjugale ont souvent besoin d’une aide extérieure pour prendre le recul nécessaire à l’évaluation du danger de leur situation et pour identifier les moyens dont elles disposent pour assurer leur protection et celle de leurs enfants.